dimanche 25 mai 2014

Sastrugies vertigo


25 Mai, camp 34.
Distance du jour : 94 km
Distance totale : 3017 km
Position : N76.730 W29.347, alt : 2090 m
Temps de progression : 7 heures

Hé oui, désolé, toujours la même rengaine... Plus de 500 km parcourus sans trêve sur ce terrain cabossé, cette "tôle ondulée" des hautes latitudes. Hier fut un paroxysme en la matière, en nombre, en hauteur, en formes, comme le relatait Cornelius enfin de news précédente...
C'est avec nos plus grandes voiles que nous avons pourfendu cette armée de Troll. Bien toilé, nous avons pu progresser voiles calées, déboulant à près de 25 km/h durant des heures sur ces obstacles que nous prenons par le travers. Avec la sustentation de la Speed 19, positionnée assez haut dans sa "fenêtre", il nous arrive même de prendre impulsion sur l'obstacle pour bondir de quelques mètres. Les pulkas font de même. Inlassablement.

Tout le matériel embarqué est ainsi soumis a l'épreuve du frottement mille fois répété. C'est bien simple : je n'ai jamais autant "bousillé le matos" qu'ici ! Les premiers temps, on s'empresse de reboucher le moindre trou. Avec les semaines, on ne peut que faire le constat que nous ne gagnerons pas cette bataille là ; en effet, ceux-ci sont partout ; les plus petits mais les plus pervers font "leur nid" dans les dosettes de chocolat en poudre du petit déjeuner. Ce dernier en profite pour quitter l'emballage dans lequel il est confiné depuis trop longtemps pour rejoindre le reste des aliments qu'il enrobe alors délicatement ; cela fait, il contamine le reste des sacs qui n'ont plus d'étanche que le nom, puis le fond des pulkas. Un bonheur... La gamme des trous de taille moyenne prolifère sur tous les sacs et quelques uns d'entre eux ont même entrepris de visiter nos voiles ! Les plus gros aèrent assez efficacement les sacs pourtant ultra résistants de nos pulkas.

Bref, tout objet "dur" creuse dans plus mou que lui...

Face à cette irrémédiable dégradation, on apprend à relativiser et à se détacher : une partie du materiel doit être considéré comme du "consommable" et ne pourra reservir. On est davantage inquiet pour l'électronique (même si nous avons pris soin de le protéger efficacement) et le réchaud restant. À tel point que le matériel indispensable a pris place dans un sac à dos, le temps que le terrain retrouve un aspect moins chaotique...

Les organismes ne sont pas non plus vraiment à la fête avec ce régime "shaker". Même s'il se combine à une "usure" progressive et irrémédiable après plus de 30 jours de progression et à une exposition aux températures froides depuis plus de deux semaines, un signe est révélateur : nous mangeons et dormons d'avantage depuis quelques jours, alors même que nos distances quotidiennes se sont réduites. Quant à ces dernières, nous aimerions faire mieux, mais force est de constater que nous n'y parvenons pas. L'état de surface du sol définit finalement les règles du jeu...

Aujourd'hui, les sastrugis étaient toujours bien présents, mais un peu moins gros que la veille. En revanche, le vent de secteur sud-ouest nous a contraint à remonter au prés avec nos plus grandes voiles, ce qui necessite un forte opposition et des appuis carres importants. Malheureusement, sous cette allure, mes pieds payent à nouveau l'addition et les douleurs finissent par m'anéantir au point de devoir stopper la progression au kilomètre 94. Je n'entrevois pour le moment pas de solution efficace au problème et espère seulement que cela n'ait pas de conséquence systematique sur la progression...

Nous sommes actuellement en bordure de la Terre de la Reine Louise et avons franchit la barre des 3000 km.
Je (Mika) les dédie à mes parents : depuis 3 ans, les autorités groenlandaises ont modifié les règles pour qui souhaitent s'aventurer sur l'inlandsis, ceci afin d'éviter à la société groenlandaise de devoir supporter les conséquences financières des expés abandonnées en cours de route et évacuées par des moyens aériens forcément couteux... Pour une expé comme la nôtre, il faut maintenant faire une réserve de fonds financiers de presque 30 000 € que peuvent utiliser les autorités en cas d'évacuation justifiée par d'autres raisons que sanitaires (elles-mêmes couvertes par une assurance coûteuse) (telles la perte ou la casse des rechauds par exemple...). De part mon existence et mes choix professionnels, et en dépit de mes 43 ans, je n'avais pas les moyens d'avancer la moitié de cette somme. Mes parents ont trouvé une possibilité de me les prêter le temps de cette aventure, qu'ils en soient ici sincèrement remerciés !

Cornelius souhaite dédier les 3000 km à tous ceux avec qui il a eu le plaisir de partager des bons moments d'alpinisme, de ski de montagne, de kite, et de voyages arctiques. Expériences qui ont nourri l'idée et l'envie d'un voyage d'envergure en milieu froid ...
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Envoyé de mon téléphone Android avec K-9 Mail. Excusez la brièveté.

4 commentaires:

  1. Tu nous fais avoir une petit larme à l'oeil mika avec ton paragraphe dédié à tes parents. C'est beau surtout le jour de la fête de mère. Quel beau cadeau pour ta maman!
    Aller courage pour le physique, le proverbe "qui veut aller loin, menage sa monture" est encore plus d'actualité.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. "Chi va piano, va sano" ! Courage ! You'll do it !
    Chrys

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  4. De retour en France, ca y est !
    J'en profite pour reprendre de vos nouvelles et rattraper le retard pour suivre votre aventure, bon courage les gars !
    *Cyril

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