vendredi 30 mai 2014

Et WOG la galère !

Nuit du 29 au 30 mai, camp 38
Distance du jour : 113 km
Distance totale : 3357 km
Position : N73.858 W30.900, alt 2720 m
Temps de progression : env 9H30 (sous Speed 10)

Nous sommes entrés en Terre du Roi Christian X. Nous avons laissé à notre nord-est le grand glacier Waltershausen qui se jette dans le fjord Kesjer Franz Joseph et avons maintenant à notre sud-est les montagnes Petermann et la Terre des Glaciers.

En quelques jours, nous avons repris plus de mille mètres d'altitude, passant de la côte 1700 à celle de 2700. En effet, tandis que l'inlandsis descend en pente douce vers la côte dans l'extrême nord-est du Groenland, autorisant donc une progression à plus basse altitude, il vient buter dans sa partie centre-est sur de hauts massifs montagneux que nous devons contourner par les hauteurs.

Depuis quelques centaines de kilomètres déjà, nous progressons sur un terrain relativement ondulé. Dans les Terres du Roi Frederik VIII déjà, nous avions le sentiment de traverser de vastes cuvettes, sans toutefois savoir dans quelles mesures cette impression n'était pas exacerbée par les effets de perspectives et de diffraction de la lumière sur l'horizon. Notre passage en bordure des Terres de la Reine Louise fut marquée par de vastes ondulations alors que nous commencions à regagner progressivement de l'altitude.
Aujourd'hui, les ondulations de terrain se sont fait franchement plus nettes. Chaque montée est accompagnée dun écoulement plus marqué des vents catabatiques. Dans ces franchissements, nous avons pu observer les plus gros sastrugies que nous n'ayons encore jamais vu : des "monstres" dont les flancs s'élèvent parfois verticalement sur 40 cm de hauteur. Pas question d'y aller frotter ses spatules de trop près ! Dans des risées de 40 km/h, nous louvoyons, cherchant un passage moins chaotique entre ces édifices de neige très compacte et dure, attentifs à la position de nos voiles et au relief sous les skis.

Dans un de ces passages, sans que j'y prêtre attention, mes pulkas trouvent le moyen de rester coincer entre deux crêtes de sastrugies. Je fais faire à ma voile quelques franches embardées dans lespoir de générer suffisamment de puissance pour me sortir de là par la force. Mais à ce petit jeu, c'est filnalement moi qui vait au tapis, suivi de la voile qui vient s'empêtrer dans un sastrugie. Je passe cinq bonnes minutes à tirer comme un damné sur mes lignes dans l'espoir que celles-ci finissent par avoir raison du monstre. Mais rien n'y fait tant la neige est compacte. Je finis par me dételer pour aller libérer et les pulkas et la voile de l'emprise de ces maudits reliefs. Evidemment, dans le vent fort, la voile, une fois libérée, ne demande qu'à redécoller et entraine avec elle les 140 kg des pulkas. J'ai tout juste le temps de rattraper le tout à la volée pour éviter de voir filer sous mon nez l'ensemble de l'attelage. Une suspente de la voile, qui a tout
de
même cédé dans la bataille, pendouille lamentablement... Et WOG la galère !

A noter que les températures ont ete cette "nuit" un cran plus froide que ces derniers jours. Peut-être -25 °C. Avec 30 à 40 km/h de vent, il n'était pas évident de se réchauffer les doigts tout en progressant, et les arrêts étaient l'occasion de franches onglées.

Avons franchit ce jour la latitude de l'Ile aux Ours (située entre le cap sud du Spitzberg et le le Cap Nord en Norvège).

PS :
- Encore merci à Damien (Fourcy) pour tes images satellites ; nous sommes ici dans l'un des secteurs où nous passons le plus près des montagnes et l'examen attentif de tes données nous invitent à rester à distance raisonnable des zones crevassées caf ...
- Un énorme merci a vous tous qui nous adressez vos messages : Hervé "350", Chrys, Alain, Cyril (bon retour au pays), Sophie, Thomas, Pascal "Golgot", frangin Rémi, Niko & Lucile, Eric & Mai and the kids, Niklas, Corinne, Eric Gruyère, Matt le voisin, Aurel, Xav Ducros, Bernard & Jacqueline, Carène, Laurence & Luc, Nico & Anne-Laure (je fais le max pour le 14 ;-), Jean (on attend toujours le rattrack !) et les autres... On se régale à vous lire !

jeudi 29 mai 2014

Surprise !

29 mai, camp 37
Distance aujourd'hui : 70 km
Totale distance : 3243 km
Position : 74.773N, 29.264W, alt 2500m
Temps de progression : 7 heures

"... sun is shinin' the weather is sweet, make you want to move your dancin' feet ..." (Bob Marley) De la neige fraîche sans vent la nuit dernière, il faisait beau, nous nous sommes reposés, avons écouté de la bonne musique et sommes parés pour une bonne session nocturne de kite. Pour faire court, cela nous donnait des airs de vancances. Hier nous avons atteint le point le plus à l'est de notre expédition, et faisons cap vers le sud-ouest dorénavant. Wings Over Greenland II n'arrondit pas les angles :

Point le plus au sud (départ de l'expé) : Qaleraligd Fjord : 61.019 N 46.732 W
Point le plus à l'ouest : la station automatique météo Humboldt: 78.528 N 56.840 W
Point le plus au nord, le confluent :  81 N 40 W: : 81.001 N 39.993 W
Point le plus à l'est : 75.354 N 28.291 W

Pour ce point le plus à l'est, Marc noter routeur météo avait un peu peur de nous voir éjectés du continent par le vent !

La cerise sur le gateau de cette journée a été une super surprise. D'abord nous recevions les emails de Julie et de Laurent, puis celui de Marc. Dixie et Eric (autre circumnavigateurs sur la calotte en ce moment) demandaient très cordialement un rendez vous par téléphone satellite ! Nous étions sous la tente, en train d'attendre que le vent tourne un peu vers le nord-est pour pouvoir sortir de notre "coin". Et là, durant les dernières minutes du créneau temps suggéré pour cet appel téléphoniqe, notre téléphone sonna ! Eric et Dixie ont pris le temps (précieux) de nous appeler pour partager leur expérience, et entendre la nôtre. Le contenu précis de cette conversation importe peu, ce qui était important était d'entendre leurs voix, et d'être connectés ensemble pendant un bon moment : ce sont les 2 personnes qui connaissent et comprennent le mieux ce que nous vivons en cemoment ; ils font face aux mêmes difficultés et connaissent les mêmes joies et satsfactions ; c'était un fabuleux cadeau pour nous, ici sur le glacier. Et nous pensons que ce serait super de se voir à nos retours sur la terre ferme. Merci infiniment Dixie et Eric.

Ces deux là sont maintenant dans la dernière ligne droite de leur périple circumnavigatoire. Tous nos voeux de réussite les gars pour les derniers kilomètres !

Quand nous parlions des "points" ; il y en a un qui va nous falloir rejoindre au moins une fois, si nous voulons boucler notre cirumnavigation : c'est le point le plus au sud, et c'est loin d'être fait; il nous reste du boulot !

Après une super matinée, et cette très agréable surprise, nous démarrions la session de kite de très bonne humeur, et aveec de grands espoirs pour la journée. Malheureusement notre progression du jour n'a pas été à la hauteur ; nous n'avons pas eu la chance espérée, et n'avons pas pris le meilleur sur cette journée pourtant si pronetteuse.

mercredi 28 mai 2014

A en perdre son latin...

27 Mai, camp 36
Distance du jour : 153 km
Distance totale : 3174 km
Position : N75.354 W28.291, alt  2400 m
Temps de progression : environ 10 heures

Nombre de jours de progression, nombre de camps, date du jour... Tout cela est parfois un peu confus dans nos esprits. Nous sommes encore moins capables de dire quel jour de la semaine nous sommes car cela n'a aucune incidence sur notre emplois du temps. Mais un fait notoire est que nous perdons aussi progressivement l'échelle de temps au sein même de la journée.
Notre rythme quotidien s'étire sur 28 ou 30 heures environ. Sans être un choix parfaitement calculé et décidé, il semblerait que ce soit tout simplement le meilleur compromis efficacité / repos. Une étape (la phase de progression proprement dite), surtout si elle est longue, occupe entre 1/3 et une moitié de journée normale (de 24 heures). Les phases intermédiaires de montage et surtout de démontage du camp, mais également les 2 repas pris sous tente (dîner et petit-déjeuner ; ces derniers temps, dans le tiers nord du Groenland, parce que l'exposition aux températures basses est une épreuve réelle pour les organismes, nous prenions même le déjeuner sous tente, avant le démontage du camp et nous limitions alors à des pauses très courtes pendant la progression...) sont également chronophages. Reste le temps dévolu au sommeil, au repos et à la communication.

Les premières semaines, il est assez réaliste de réduire un peu les temps de sommeil et de repos pour réinvestir ce temps ailleurs, notamment dans la progression, ou pour rester dans un rythme classique de 24 heures. Après un mois d'effort, cela devient beaucoup plus complexe : les phases de récupération ne sont plus tout à fait facultatives... Dans ces conditions, 24 heures ne suffisent plus pour assurer un équilibre entre les différentes phases, et c'est donc très naturellement que la durée de la journée s'allonge. Cela est évidemment grandement facilité par l'absence de nuit.

Avec le jour permanent, avoir un cycle quotidien de 28 ou 30 heures n'est en soi pas du tout un problème si vous n'avez pas à vous conformer à des horaires se rapportant à un rythme circadien classique. Dans notre cas précis, si nous n'avons aucune obligation de rythme de type "sociétal", il y a tout de même une entité extérieur qui donne le tempo : l'aérologie. Cette dernière est tout à la fois rythmique (les vents catabatiques, essentiels à notre progression, sont plus forts la "nuit") et arythmique (les vents d'origine météorologique suivent des rythmes plus aleatoires et complexes, indépendants du rythme circadien).

Notre rythme de plus de 24 heures nous fait ainsi perdre régulièrement de bons créneaux de vents catabatiques car nous ne parvenons pas à nous calquer systématiquement dessus... Mais la présence, la force, la direction du vent restent de toute façon des phénomènes complexes que l'on a bien souvent du mal à appréhender avec justesse, en dépit des infos précises que nous envoie chaque jour notre routeur.

Bref, nos contraintes propres et celles de l'environnement dans lequel nous évoluons font qu'il est presque impossible de fixer un rythme. Et plus que de progresser aux heures les plus froides (la " nuit") ou de se coucher en milieu de "journée", le plus déroutant est d'être en permanence décalé de quelques heures par rapport au jour précédent, avec de temps à autre un décalage dans le sens inverse du décalage systématique habituel (par exemple, si une opportunité aerologique l'exige)...
On finit vraiment par en perdre notre latin, au point qu'il devient difficile de se souvenir à quelle heure nous avons débuté ou fini l'étape ou notre "nuit" de sommeil. Vous l'aurez compris, nous sommes bien déphasés !

130 des 153 kilomètres parcourus aujourd'hui l'ont été sous Beringer 8, par un fort vent chasse-neige de 40 à 50 km/h (magnifiques lumières au départ de l'étape vers 3 heures du matin), d'abord dans une allure un peu exigente car légèrement au prés, puis plus favorable car portante. Les 20 derniers ont été effectués en Speed 10, par vent plus faible, dans une allure très arrière.

Nous sommes actuellement au point le plus Est de notre itinéraire, soit à une longitude un peu supérieure à 28 degré ouest. Nous allons faire désormais route au sud-sud-ouest.
Pour equivalence côté européen, nous venons de repasser sous la latitude de la pointe sud du Spitzberg.

PS :
- spéciales salutations au norvegien Niklas Norman, auteur de la première traversée longitudinale du Groenland en kite-ski en 2005, et de la plus belle des manières qu'il soit puisqu'il reste à ce jour codétenteur, avec une autre équipe norvégienne, du record de temps de la traversée (2300 km parcourus en 21 jours, soit une incroyable moyenne quotidienne de 110 km / jour...). Niklas, merci pour ton message, nous en mesurons la valeur :-)
- spéciales salutations aussi à mon pote Loulou (sans oublier Franck et le reste de la famille), en souvenir de "l'époque t-shirts" des premieres expés Latitudes Nord. Merci à toi l'ami pour ces coups de pouces, je n'oublie pas...
- Alain R., pas d'inquiétude pour l'Islande cet été, le message était adressé à Alain K ;-)

mardi 27 mai 2014

Nourriture pour l'esprit... et l'esprit tourné vers la nourriture !


26 mai, camp 35
Distance aujourd'hui : 3 km
Distance totale : 3020 km
Position : 76.7023 N 29.3240 W, alt : 2080 m
Temps de progression : 1h

Nourriture pour l'esprit

Journée de repos. Marc nous l'avais fortement conseillé, car les vents venant du sud et de l'ouest nous rendraient la progression difficilesi on veut éviter de se faire embarquer trop loin vers l'est. Bien sûr on pensait pouvoir lutter.En 2008 nous avions passé une journée entière au près contre le vent avec la Beringer 8m2 ; nous avons églament commencé dce voyage contre le vent, en montant sur le plateau du glacier ; et nous avons églement kité au près hieravec les speed 3 19m2. Et de toutes facons chez nous, ou même à Finse, sans les poulkas c'eût été facile. Alors nous avons essayé avec les speed 4 10m2. Le kite était pleinement gonflé avec des vents jusqu'à 30 km/h. Mais nous n'avons jamais été dans une position confortable pour avancer réellement : trop tendre sur les bords de la "fênetre", trop de résistance au milieu alors en pleine vitesse ; nous n'avons pas su trouver le juste milieu. Pas assez de puissance avec la Beringer 8m2. Nous avons même essayé un 12m2 (voile de rechange) avec la barre du speed et des lignes de 21 m en dernier recours. Rien ne fonctionnait comme il faut.
Alors nous nous sommes résigné : une journée de repos n'était pas une si mauvaise idée après tout, spécialement avec les conditions favorables annoncées les prochains jours. Et puis, nous allions kiter ce matin un peu comme si nous allions au boulot, alors que demain, ou même déjà ce soir, c'est avec plaisir que nous ressortirons les voiles. C'est bizarre : il faut bien se reposer proprement de temps à autre  ;mais quand vient ce moment on a un peu l'impression de gâcher du temps précieux, au lieu de se détendre complètement et d'en profiter.

La nivologie : il n'y a pas beaucoup de précipitations dans cette région nord-est. Si nous avions eu l'occasion de kiter dans de la poudreuse bien sèche sur la partie ouest de la calotte en 2008, c'est sûrement quelque chose de rare, car la neige fraîche, si dendritique, se transforme très vite en grains très fins selon l'action mécanique permanente du vent. Mais ici la neige ttombe déjà en petits cristaux dans la plupart des cas. Cela fait des paquets de neige denses et bien durs.Quand la neige de surface est recouverte et du coup s'enfonce dans le manteau neigeux, elle devient de la glace plus ou moins compacte sous la pression grandissante. Certaines fois on remarque des fontes de surface ; la neige normalement se désagrège en se transformant. C'est ce que je pensais du moins. Hier, alors que je creusais pour planter la tente, j'ai été surpris d'observer une bonne couche de grains assez gros (sur environ 80 cm), juste au dessous de la couche plutôt dure et "crusty" de la surface. C'est plutôt un signe de "process de transformation constructive" de la neige, due à de forts écarts de température proche de la surface. Cela pourrait aussi expliquer les surprenants cracks qu'on a commencé à voir sur les plaques de glace entre les sastrugies.

Esprits tournés vers la nourriture...

Menu polaire :

Petit-déjeuner : mueslis croustillants, chocolat, baies rouges, noix et noisettes. Chocolat chaud, café, et sodas effervescents.
Pendant la journée : barre de céréales et chocolat. Eau, tea, infusions dans les thermos
Déjeuner : pain Wasa, fromage, saucisson, fruits secs (raisins, figues, melon, mangue, papaye, noix de coco, banane, framboise, pois, pêches, abricots, ananas...), chocolat.
Dîner : Noix et graines pour l'apéro(cajoux, cacahuètes, noisettes, noix d'amazonie, amandes...), puis soupe, plats principal lyophilisé, gateaux secs, infusions.

Faits nutritionnels - notre routine quotidienne est éprouvante pour les organismes, même si nous ne nous en rendons pas forcément compte. Nous faisons entre 5 et 11 heures de progression. Si cela n'apparait pas comme un gros efforts car nous sommes traînés par les kites, les forces principales allant directement sur le harnais, puis sur les poulkas ; nous sommes constamment sur les carres, redirigeant la traction des kites sur les poulkas, absorbant les chocs, tout en gardant le contrôle et dirigeant le kite, ce qui induit de la pression sur les barres de contrôle. On pourrait comparer ca à une descente en ski. 5km, c'est considéré comme une longue descente en station. Nos 100 km quotidiens représenteraient du coup 20 descentes de ce type ! Ajoutons à cela le montage-d´´emontage de tente, l'exposition constante au froid. Notre assurance requiert une prise quotidienne de 5000 Kcal par person pour être valable, ce qui représente plus de 2 fois la prise de calorie moyenne recommandée quotidiennement pour un adulte. Si nous ne pouvions terminer nos rations au début du voyage, c'est avec grand plaisir que nous le faisons maintenant, comme le disait Mika hier.

photo : portion du déjeuner avec du pain Wasa, du saucisson, du fromage, des fruits secs et du chocolat.

Mille mercis à l'épicerie Arax à Grenoble pour leur aide et leur patience dans la sélection des 10kg de fruits secs variés, ainsi que des 10kg des diverses noix et graines ! Nous sommes également reconnaissants à la fromagerie du marché de l'Estacade pour avoir choisi différentes variétés de fromage qui résisteraient aux conditions du voyage, et pour l'enpaquetage sous vide de 67 rations quotidiennes de fromage.

dimanche 25 mai 2014

Sastrugies vertigo


25 Mai, camp 34.
Distance du jour : 94 km
Distance totale : 3017 km
Position : N76.730 W29.347, alt : 2090 m
Temps de progression : 7 heures

Hé oui, désolé, toujours la même rengaine... Plus de 500 km parcourus sans trêve sur ce terrain cabossé, cette "tôle ondulée" des hautes latitudes. Hier fut un paroxysme en la matière, en nombre, en hauteur, en formes, comme le relatait Cornelius enfin de news précédente...
C'est avec nos plus grandes voiles que nous avons pourfendu cette armée de Troll. Bien toilé, nous avons pu progresser voiles calées, déboulant à près de 25 km/h durant des heures sur ces obstacles que nous prenons par le travers. Avec la sustentation de la Speed 19, positionnée assez haut dans sa "fenêtre", il nous arrive même de prendre impulsion sur l'obstacle pour bondir de quelques mètres. Les pulkas font de même. Inlassablement.

Tout le matériel embarqué est ainsi soumis a l'épreuve du frottement mille fois répété. C'est bien simple : je n'ai jamais autant "bousillé le matos" qu'ici ! Les premiers temps, on s'empresse de reboucher le moindre trou. Avec les semaines, on ne peut que faire le constat que nous ne gagnerons pas cette bataille là ; en effet, ceux-ci sont partout ; les plus petits mais les plus pervers font "leur nid" dans les dosettes de chocolat en poudre du petit déjeuner. Ce dernier en profite pour quitter l'emballage dans lequel il est confiné depuis trop longtemps pour rejoindre le reste des aliments qu'il enrobe alors délicatement ; cela fait, il contamine le reste des sacs qui n'ont plus d'étanche que le nom, puis le fond des pulkas. Un bonheur... La gamme des trous de taille moyenne prolifère sur tous les sacs et quelques uns d'entre eux ont même entrepris de visiter nos voiles ! Les plus gros aèrent assez efficacement les sacs pourtant ultra résistants de nos pulkas.

Bref, tout objet "dur" creuse dans plus mou que lui...

Face à cette irrémédiable dégradation, on apprend à relativiser et à se détacher : une partie du materiel doit être considéré comme du "consommable" et ne pourra reservir. On est davantage inquiet pour l'électronique (même si nous avons pris soin de le protéger efficacement) et le réchaud restant. À tel point que le matériel indispensable a pris place dans un sac à dos, le temps que le terrain retrouve un aspect moins chaotique...

Les organismes ne sont pas non plus vraiment à la fête avec ce régime "shaker". Même s'il se combine à une "usure" progressive et irrémédiable après plus de 30 jours de progression et à une exposition aux températures froides depuis plus de deux semaines, un signe est révélateur : nous mangeons et dormons d'avantage depuis quelques jours, alors même que nos distances quotidiennes se sont réduites. Quant à ces dernières, nous aimerions faire mieux, mais force est de constater que nous n'y parvenons pas. L'état de surface du sol définit finalement les règles du jeu...

Aujourd'hui, les sastrugis étaient toujours bien présents, mais un peu moins gros que la veille. En revanche, le vent de secteur sud-ouest nous a contraint à remonter au prés avec nos plus grandes voiles, ce qui necessite un forte opposition et des appuis carres importants. Malheureusement, sous cette allure, mes pieds payent à nouveau l'addition et les douleurs finissent par m'anéantir au point de devoir stopper la progression au kilomètre 94. Je n'entrevois pour le moment pas de solution efficace au problème et espère seulement que cela n'ait pas de conséquence systematique sur la progression...

Nous sommes actuellement en bordure de la Terre de la Reine Louise et avons franchit la barre des 3000 km.
Je (Mika) les dédie à mes parents : depuis 3 ans, les autorités groenlandaises ont modifié les règles pour qui souhaitent s'aventurer sur l'inlandsis, ceci afin d'éviter à la société groenlandaise de devoir supporter les conséquences financières des expés abandonnées en cours de route et évacuées par des moyens aériens forcément couteux... Pour une expé comme la nôtre, il faut maintenant faire une réserve de fonds financiers de presque 30 000 € que peuvent utiliser les autorités en cas d'évacuation justifiée par d'autres raisons que sanitaires (elles-mêmes couvertes par une assurance coûteuse) (telles la perte ou la casse des rechauds par exemple...). De part mon existence et mes choix professionnels, et en dépit de mes 43 ans, je n'avais pas les moyens d'avancer la moitié de cette somme. Mes parents ont trouvé une possibilité de me les prêter le temps de cette aventure, qu'ils en soient ici sincèrement remerciés !

Cornelius souhaite dédier les 3000 km à tous ceux avec qui il a eu le plaisir de partager des bons moments d'alpinisme, de ski de montagne, de kite, et de voyages arctiques. Expériences qui ont nourri l'idée et l'envie d'un voyage d'envergure en milieu froid ...
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Envoyé de mon téléphone Android avec K-9 Mail. Excusez la brièveté.

samedi 24 mai 2014

Nous ne sommes pas seuls...


23-24 mai, camp 33
Distance aujourd'hui : 130 km
Distance totale : 2923 km
Position : 77.538 N 30.476 W, alt 1870 m
Temps de progression : 10h30

Ce matin avait des airs de printemps. Nous avons de nouveau décalé notre journée ; le solei chauffe déjà bien la tente quand nous nous levons. Dehors le vent n'était pas aussi froid que les jours précédents, tout paraissait un peu plus facile aujourd'hui. Et c'est la premi`€re fois depuis au moins 2 semaines que nous ne démarrons pas notre session de kite avec nos pantalons et vestes en duvet, aisni que nos surbottes.

Nous voyageons sud-sudouest avec nos speed 3 19 m2, alors que lui a plutôt pris un cap nord-nordest `environ 25°. Apr`€s environ 80 km kités aujourd'hui les traces de nos skis et poulkas ont croisées celles de ses paluches, à environ 77.963N, 30.980W. Nous ne sommes pas seuls !

Nous avons eu la chance de croiser l'improbable auourd'hui : des tracs d'ours polaire aussi loin des côtes, en plein dans l'inlandsis.
Doté d'une extraordinaire autonomie, nécessaire dans ces régions polaires en hiver, cela est absolument incroyable à nos yeux, car il n'y a rien à chasser ici pour un ours polaire ; nous estimons la distance la plus courte vers une côte à environ 200km à l'est (la baie Jokulbukten). Et si nous tenons naivement compte de son cap (en fonction des traces rencontrées), il de vrait avoir presque le double de distance à parcourir pour retrouver les côtes au nord est, vers le fjord du Danemarque.

C'est plus une chance qu'une inquiétude pour nous que d'avoir croisé ces traces ; à en croire les traces l'animal avait l'air plutôt sûr de son cap ; il fallait bien qu'on en rencontre les traces quelque part. Et il semble que ces traces ont été laissé il y a quelque temps avant que ous arrivions, car les traces sont l`comme gravées dans la neige. s'il est difficile de dire combien de temps avant cet animal est passé par là, la probabilité de se retrouver au même endroit au même moent est tr`€s faible.

Au cas où pour cette expédition, afin d'être prêt pour ce type de rencontre, nous avons été obligé de nous équiper comme il faut (voir notre article dans ce blog "Toujours à propos de la sécurité : les ours polaires, le permis d'armes à feu...").

Nous avons profité de cette pause inattendue pour enfiler nos pantalons et vestes en duvet, car il commence à faire de plus en plus froid, et nous sommes remis en route.

 Le vent forcit un peu ; nous sommes passés en speed 4 10m2.Mauvais choix : après 15 km de galère nous avons ressorti les speed 3. Nous avons établit le camp au km 130.

Nous avons passé aujourd'hui les latitudes de Longyearbyen et Barentsburg au Spitzberg.

Je n'ai pas parlé de sastrugies. Ils sont toujours légion, et font partie de notre vie quotidienne à présent. Ils viennent comme une infinie de formes comprtant des petites crêtes, certaines fois séparées par de véritables canyons, ou lors nous y voyons comme des ailerons de requin, des stappars ou encore des vagues qui se brisent et se seraient figées. S'ils sont tous différents, leur manière d'être formés par le vent donnent aux sastrugies une sorte d'unité artistique ; la lumière peut leur donner un aspect très beau... Du point de vue du skier les sastrugies ne sont pas aussi glamours !
Nous avons traversé de grandes étendues de sastrugies, sommes entrés, puis ressortis de ces champs ; des fois nous voyons même leur formation. Ces questions restent : comment est-ce qu'ils disparaissent, quand .....?

vendredi 23 mai 2014

L'aventure s'est arrêtée là...

22 Mai, camp 32
Distance du jour : 82 km
Distance totale : 2796 km
Position : N78.654 W32.088, Alt 1775 m
Temps de progression : 7 heures (en Speed4 10)

... Pour ce traquet motteux, petit oiseau de l'ordre des passereaux. Peut-être arrivée des terres chaudes d'Afrique occidentale, cet insectivore était en chemin pour trouver une zone de nidification dans le Haut Arctique, comme chaque printemps. Poussé par une force vitale qui sans doute le dépasse, l'oiseau franchit la calotte glaciaire comme il franchît les océans : sans jamais s'arrêter. Mais le sort a probablement fait que ce petit passereau se retrouve ici, au-dessus des glaces, un jour de grand vent, fatal à son énergie vitale et à sa destinée. Il s'est posé et ne s'est plus jamais envolé. Il gît sur la glace, posé sur ces pattes, pour une "éternité"... Par hasard, notre chemin a croisé le sien.

Notre propre migration (déboussolée) se poursuit en Terre du Roi Frederik VIII. La progression y est difficile tant les sastrugies y sont légions et peu amicaux. La calotte prend des airs de labours, ou bien de clapot figé par le froid. Selon la direction du vent du moment et notre cap, nous franchissons ces marches de glace dans leur largeur dans un éternel effort d'avalement et d'amortissement, ou bien slalomons dans une recherche continuelle des passages les moins chaotiques. Dans un tel contexte, les kilomètres et les heures ne défilent guère. Il faut s'attendre à ce régime pour encore quelques centaines de kilomètres. Ce jour, nous avons dépassé la latitude de Ny-Ålesund, 78º 55' N, au Spitzberg.

Jusqu'à présent, nous n'avons pas évoqué dans nos récits quotidiens un fait qui a tout de même son importance pour nous sur la glace : la présence sur la calotte de deux autres équipes qui tentent comme nous, de réaliser la première circumnavigation de l'inlandsis groenlandais. Leur présence à quelques centaines de kilomètres de notre position ne nous est pas inégale, au contraire. Aussi est-il temps de leur rendre hommage :

- l'équipe Belgo-canadienne, composée de deux personnalités éminemment reconnues dans le monde des expés polaires : Dixie Dansercoer et Eric Mac Nair Landry. Egalement en kite-ski. Partis environ 10 Jours avant nous, depuis la côte sud-est du Groenland (déposé helico sur la calotte dans la région d'Ammassalik), les deux hommes se trouvent actuellement à environ 300 kilomètres dans notre sud-ouest. Le premier est le détenteur actuel du record de distance couverte en kite-ski (5013 km parcourus en 74 jours en Antarctique, avec Sam Deltour), le second avait le record de distance parcourue en kite-ski en 24 heures (602 km, lors d'une traversée sud-nord du Groenland, réalisée en compagnie de Sebastien Copeland).
- l'équipe espagnole (5 personnes) menée par un vétéran des glaces, excellent connaisseur de l'inlandsis et des grandes expés aerotractees, Ramon Larramendi. Partis de la côte ouest (déposé également sur la calotte) environ deux semaines après nous, ils sont à quelques centaines de kilomètres dans notre ouest. Cette équipe voyage à bord d'un incroyable "vaisseau des glaces" constitué de 2 gros traineaux attelés, tractés par des surfaces de voiles impressionantes. A 5, l'idée est de pouvoir se relayer en permanence au poste de pilotage afin de limiter les arrêts...


Quant à nous, nous tenions à vous exprimer notre sincère reconnaissance !
Tout dabord, merci à Rom "le facteur" qui nous retransmet tous vos messages.
Ensuite, merci à vous tous qui donnez des nouvelles, suivez notre progression et nos compte-rendus quotidiens, nous encouragez. Ici, loin de tout, dans ce quotidien fait de routines et de kilomètres à "avaler", tous vos messages nous nourrissent et nous font avancer.
Merci Cecile & Pedro, Joh & Oliv de Carnet d'Av, Sophie (pour le rayon de soleil haut-alpin ; salutations à tous les Castelroussins !), Clara, Jo (bon trip bike amigo), Sébastien Carrière (et les champs de coquelicots), Thierry (on s'engage a fond ;-), Steph Favaretto (super message, excellent dernier paragraphe - la friteuse :-)), Gilles (qui nous aident de loin), Alain (rdv en Islande cet été peut-être) & Julien (la prochaine, c'est Ker !), Sophie "Larzac", Phil "pas moli", Jaak "Liverpool Land 2010", Corinne " fan de foot ", Pascal le Queyrassin, l'ami Jean " on ne lâche rien !", Laurent du Vieux Camp Grenoble, Clotilde "les bons produits pays", Birdy Kynook, Blablablog, Bertrand "ça glisse à la descente", Florian pour sa bonne analyse de la situation, sans oublier Sylvie, Laurent, Thomas, Rom & Ln, Rémi (notre équipe de choc) et en en oubliant peut-être d'autres (toutes nos excuses dans ce cas)...

jeudi 22 mai 2014

Chasse neige


21 mai, camp 31
Distance aujourd'hui : 71 km
Distance totale : 2711 km
Position : 79.368 N 32.949 W, alt 1844m
Temps de progression : 6 heures

Le "chasse neige" contribue beaucoup à la beauté des paysages dans les régions polaires, avec le soleil rasant. Mais ca peut aussi vous rendre fou, Les tout petits morceaux de cristal de la neige trouvent refuge partout : dans les vêtements, les chaussettes, ils s'infiltrent partout, quelque soit le type d'équipement. En général ils s'acculmulent dans l'ombre, dans les zones abritées du vent, et enneigent tentes, skis, batons et poulkas, et remplissent tous les trous et les espaces entre les bosses. Il nous faut faire attention la nuit pour tout l'équipement qui doit dormir dehors, car mal positionné il sera recouvert en quelques minutes seulement.
Ces cristaux glacés nous mettent la pression quand il s'agit de manipuler l'équipement en dehors eds tentes : toute manip sans nos sur-gants, ou même à mains nues ne peut durer que quelque secondes face au vent.

Quand nous avons monté le camp hier aucun effet chasse neige malgré les vents plutôt forts, ce qui nous arrangeait plutôt d'un point de vue pratique. Le prix à payer sont les sastrugies lorsque nous skions, comme nous le disions dans le blog d'hier "le Paris-Roubaix des kiteurs".

En nous réveillant ce matin nous étions contents d'entendre les petits cristaux de neige s'abattre sur la tente ; cela nous laissait espérer qu'il s'installerait abondemment entre les pointes des sastrugies, nous rendant le ski du jour plus doux et homogène.

En effet sortir avec nos Beringer 8 était plus agréable que la veille, même si pas autant que nous avons espéré. Le vent a commencé à faiblir ; il nous a fallu nous crisper un peu sur les barres, en espérant pouvoir continuer encore un peu ; les kilomètres défilaient alors lentement.
Puis il était nécessaire de sortir les Speed 4 10m2, ce qui ne nous réjouissait pas compte tenu de la surface skiable, encore très dentelée de sastrugies.

Lorsque nous sommes passés aux voiles Speed 4, la fatighue accumulée des derniers jours s'est fait ressentir ; en plus de ca, j'avais beaucoup de mal à digéré notre dernier repas, C'était bizarre, car jusque là les repas étaient excellent ; c'était une joyeuse routine pour nous que de se mettre à table. Mais aujourd'hui mes maux d'estomac ont accaparé mon attenition, ce qui ne m'a pas rendu le ski très plaisant, malgré des paysages si beau.

Nous avons monté le camp après seulement 71 km, un peu décu de n'avoir pas fait plus.

Nous avons maintenant passé la latitude du point le plus au sud de l'île Franz Josef.

Photo : Mika avec la Beringer 8m2... nous avancons lentement, et espérons pouvoir continuer à avancer comme ca le plus longtemps possible.

PS : Nous dormons souvent pendant la journée, lorsque le soleil est au plus haut, et avons remarqué que la toile de notre "svalbard camp 5" laissait passer les radiations solaires suffisantes pour faire fonctionner nos panneaux solaires pliables Brunton ; nouspouvons alors recharger l'équipement pendant que nous dormons, ce qui nous facilite grandement la vie.

mardi 20 mai 2014

"L'enfer du Nord" (pavé de sastrugies !)

Nuit du 19 au 20 Mai, camp 30
Distance du jour : 161 km
Distance totale : 2640 km
Position : N79.989 W33.776, Alt 1800 m
Temps de progression : 7 heures

Le Paris-Roubaix du kite-ski...

Nous faisons désormais cap à l'est-sud-est. Les préparatifs du départ au plus froid de la "nuit" reste un moment délicat car même sous la tente, les températures plongent. Nous decampons vers minuit, par grand beau temps et dans un fort vent d'ouest-sud-ouest. Sa force et sa direction sont davantage propice que les jours précédents, aussi nous ne nous faisons pas prier pour utiliser nos "voiles-tempête" Beringer 8, bien plus simple à mettre en œuvre que nos kites. Bien nous en prend car le terrain devient rapidement cassant et là encore, la progression sous Beringer s'avère moins critique que sous kite...

Nous filons bonne allure, dépassant par moment les 30 Km/h, sur une surface de plus en plus cassante. Nous remarquons assez rapidement un fait notable : ici, le vent ne soulève aucune neige au sol. Au point même que cela en est trompeur quant à sa vitesse, que nous minimisons. Mail il souffle pourtant bien à près de 50 km/h par moment...
Cette absence de chasse-neige résulte très certainement d'un déficit en précipitations sur ce secteur particulièrement aride de la calotte. Peu de dépôt de neige dit en revanche force sastrugies. Bétonnés, voire vitrifiés par le vent, ceux-ci sont redoutables et particulièrement "cassants". Nous accumulons les dizaines de kilomètres dans ce champ de bataille, faisant des poses régulières pour nous soulager les jambes, soumises à rude épreuve. Le matériel ne l'est pas moins qui, dans les pulkas (qui font des bonds impressionnants en dépit de leur 150 kg), se voit subir une infinité de chocs répétés...

Cornelius ressent une gêne régulière aux genoux, gêne qui disparait après chaque petite pause. Pour ma part, une douleur apparue il y a une douzaine de jours à une cheville m'inquiète de plus en plus. Elle réapparaît au kilomètre 60,
; au kilomètre 120, elle devient handicapante. Je ski les 40 derniers kilomètres pratiquement sur un pied, allégeant au maximum les appuis sur l'autre. Dés que je skie skis à plat, par manque d'appui, les fautes de carres se multiplient et sont sanctionnées par une vive douleur. Trop sur la carre du pied valide, l'effort devient difficilement soutenable et la solution n'est pas valable à long terme sans risquer de générer à son tour un problème sur la jambe valide...
Kilomètre 160, je sents qu'il n'est pas raisonnable d'aller plus loin, alors que le terrain est plus chaotique que jamais et que le vent forcit de nouveau...

Aux alentours du 80eme kilomètre, peut-être centième, nous avons constaté qu'une des pulkas de Cornelius, alors en seconde position, s'était partiellement ouverte suite à la répétition des chocs dans les sastrugies (ce n'est pas la 1ere fois que nous faisons ce constat là). Un rapide examen semble ne montrer aucune perte de matériel.
A l'issue de l'étape, le constat est autrement plus ennuyeux : nous avons bel et bien perdu le réchaud principal stocké dans une boite anti-chocs ainsi qu'une des deux pharmacies...
Faire demi-tour pour tenter de retrouver ce matériel n'est pas réellement envisageable tant il serait laborieux de remonter à contre-vent ces 60, 80 ou 100 km/h avec peu de chance de retrouver le matériel perdu...

Nous avons un réchaud de rechange. Mais nous n'avons désormais plus de marge de manœuvre concernant cet équipement qui peut facilement être qualifié de "survie" dans l'environnement et la situation d'isolement dans dans lesquels nous évoluons... Quant à la pharmacie, nous venons de perdre la moitié de nos traitements (à peu près équitablement repartis entre nous au départ pour minimiser autant que possible ce genre de problème) à un moment où ils pourraient bien devenir utiles voire nécessaires...

Rien n'est joué, ni dans un sens ni dans un autre, mais nous allons devoir redoubler d'attention et croiser les doigts pour que les problèmes survenus aujourd'hui n'aient pas de conséquences importantes sur la suite de notre progression...

PS : Nous en profitons pour saluer amicalement et remercier les deux médecins qui nous ont aidé à préparer nos trousses de pharmacie, Dr Marie-Anne Magnan (Ifremmont) et mon amie Sophie Castets.
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Tout au nord


18-19 mai, camp 29
Distance aujourd'hui : 206 km
Distance totale : 2479 km
Position: 81.001 N 39.993 W, alt 1920 m
Temps de progression : 11 h

Lorsque nous avons levé le camp ce matin nous n'avions aucune ambition spéciale pour la journée ; mais les prévisions pour la météo à venir étaient plutôt bonnes... Il nous a fallu 4km pour comprendre que nos 10m2 de toile étaient trop juste ; nous avons alors sorti la 19m2 pour le reste de la journée. A mesure que nous progressions vers le nord-est, le vent s'intensifiait et la surface de la neige était de mieux en mieux : les sastrugies ont laissé æeur place à d'occasionnelles plaques de glace, puis la neige est devenu du velours ; les kilomètres ont alors commencé à défilé vite, nous nous rapprochions de notre objectif secret !

Lorsque le vent s'est avéré trop fort pour nos voiles, et que nos pieds montraient des signes de fatigue forts, nos GPS nous donnaient de belles informations : 206 km parcourus, et position N81, W40 : ce sera le point le plus au nord de notre expédition.

La journée a donc été plutôt bonne : bonne distance parcourue, nous sommes entrés dans le Parc National du Nord est du Groenland, sommes allés plus au nord que la pointe nord des îles Spitzberg, avons atteint le point le plus au nord de l'expé. avons parcouru plus de 20 degrés de latitude depuis le départ (en 29 jours). Nous avons installé notre campemant à environ 150m du point de confluence 80°N, 40°O, et seulement 1005 km du pôle nord. Quelle journée :-) !

Nous pensions pouvoir voir un bout de Terre d'ici, mais c'est trop nuageux, et le vent balaie trop de neige autour de nous.

A partir de maintenant nous allons vers le sud ; nous rentrons  á la maison.

Si atteindre les 81°N de latitude parait abstrait, cela compte beaucoup pour nous. Lorsque nous avons préparé les premières trajectoires théoriques de ce voyage, notre point le plus au nord était la latitude 80. Mais cela paraissait trop au sud, et faisait comme si nous coupions trop la trajectoire de ce projet de cirumnavigation ; nous avons alors élevé ce point plus au nord.
puis nous avons vaqué à mille et une autres occupations, la logistique de préparation ayant été assez complexe. Puis la question de l'assurance pour ce trip s'est posée, et il s'est avéré que la position de ce point nord avait une grande importance : 2 choix s'offraient à nous : une assurance à tarif assez raisonnable, mais ne nous couvrant qu'au dessous de la latitude 80 ; et une autre, beaucoup plus chère, nous couvrant au delà des 80°N. Nous avons choisi cette dernière.
Il faut savoir que très peu de compagnies offrent une assurance pour des expéditions de kite ski dans des conditions géographiques similaires ; cela n'a pas été simple (par exemple la compagnie qui nous a assuré en 2008 lors de la traversée sud-nord n'offre plus ce service)

photo : les points de confluence sont les intersections de parallèles et de méridiens. Si leur position n'existe que sur des cartes à partir de codes établis, certaines personnes s'amusent à les rencontrer sur le terrain, pour voir à quoi le monde ressemble à ces endroits théoriques. Nous avons fait la même chose, étant aussi proche.

Merci au Vieux Campeur de Grenoble pour son aide et sa patience, et à Laurent pour son message.

Nous saisissons l'opportunité de ce blog pour mentionner nos partenaires, sans qui nous ne serions pas là :
Merci à Ramon Schoenmaker, Ernst Novak et Flysurfer Kiteboarding, pour nous avoir aider à préparer les voiles qui nous font voyager. Merci à Nico Lelarge, et à Flysurfer France.

C'est un plaisir de recevoir le soutien de Rofer Daynes et Snowsled Polar pour les poulkas. Ce n'est pas notre première expédition avec différents modèles de "ice blue plastic", et une nouvelle fois, le matériel ne fait pas défaut.

dimanche 18 mai 2014

Navigation, cap et relèvement

17 Mai, camp 28
Distance du jour : 121 km
Distance totale : 2274 km
Position : 79.912 W48.990
Alt 1960 m
Temps de progression : 9 heures ( voiles utilisées Beringer 8, Speed 10 en 33 et 21 mètres de lignes)

Le Knud Rasmussen Land sera notre chemin de croix !

Un chasse-neige (transport de neige par le vent) important confirme la présence d'un vent conséquent lorsque nous decampons. Mais tout nos espoirs d'une progression rapide et confortable sous voiles Beringer est vite anéantit par une neige décidément trop froide et sèche pour permettre à nos lourdes pulkas de glisser convenablement. Nous comprenons rapidement que les kilomètres seront laborieusement gagnés.

Alors que nous faisons désormais cap au nord-nord-est par un vent de sud-sud-ouest (un vent complètement arrière, et donc une allure complexe en navigation), le choix de la voile la plus adaptée (ou la moins mal adaptée !) releve du casse-tête, sans offrir de solutions vraiment convaincantes : nous nous retrouvons systematiquement pas assez ou trop surtoilés...

S'ajoute à notre deconvenue que, par vent arrière, nous navons d'autres choix que de tirer des bords descendant, c'est à dire faire de grands zigzags avec des caps qui peuvent s'écarter de 30 ou 40 degrés, parfois plus encore, de l'angle de relèvement. Explications :
- le relèvement est l'angle par rapport au nord que nous devons suivre pour atteindre un point donné (point que nous avons nous même fixé arbitrairement sur la carte).
- le cap est l'angle réel de notre progression par rapport au nord.
Idéalement, nous tentons d'aligner ces 2 angles (tout deux affichés sur le cadran de nos GPS) afin d'avoir une trajectoire la plus directe possible vers le point visé.
Outre une allure (c'est a dire la position qu'il faut donner à nos voiles) malcommode, les kilomètres réels pour atteindre le point fixé sont donc multipliés par un facteur 1,3 (au minimum)...

Si l'on ajoute encore à cela les changements de voiles (3) ou de longueur de lignes (1), vous comprendrez qu'en d'épis dun kilométrage modeste, notre journée fut bien remplie. Les deux suivantes s'annoncent du même acabit...

Nous avons tout juste dépassé le bassin-versant du Glacier Petermann et laissons à notre nord-ouest l'île Hans chère à notre ami Emmanuel Hussenet ;-)

PS : Salutations amicales à Ludo et Nico du magasin Vertige Gap !
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samedi 17 mai 2014

Nuances de blanc


16 mai, camp 27
Distance aujourd'hui : 104 km
Distance totale : 2152 km
Position : 79.140 N 53.158 W, alt 1950 m
Temps de progression :6 heures

Quand nous avons levé le camp, le ciel était bien couvert, et le vent soufflait la neige à la surface du glacier, alternant les plaques de glace et les astrugies. Le soleil n'apparaissait que comme une sorte de disque caché derrière une couche nuageuse fine. Cela offrait une bonne visibilité, mais peu de contrastes. Nous avons donc traversés des kilomètres et des kilomètres dans des nuances de blanc. Le ciel était mat, et la surface de la neige lumineuse mais pale. Les sastrugies étaient eux plus brillants, mais sans ombres, ce qui rendait diffilcile d'en comprendre la taille. NLes notions de distance étaient un peu abstraites ; les sastrugies pouvaient nous toucher à tout moment. Certaines fois on n'arrivait à peine à distinguer la ligne d'horizon, le ciel était alors mélangé à la neige, ou l'inverse...

On se fiait donc à nos sens tactiles à mesure que nous skiions ; il fallait à la fois ne pas faire de faute de carre, être suffisemment forts et stables et faire preuve de souplesse pour passer ces interminables bosses sur le parcours. Cela nous rappelait une réplique de Borge Ousland dans le film In the footstep of Nansen" : "tu skies comme une vieille dame". Coucou à Jean qui nous a souvent rappelé cette citation lors de notre dernier séjour à Finse.

Plus tard le soleil s'est mis à briller orange, le ciel s'est éclairci, et la visibilité s'est sensiblement améliorée. On a fait une pause sous un magnifique cercle parhelic formé par la réfraction de cristaux de glace suspendus dans l'air. Nous avons parcouru les 20 derniers km sous une lumière exceptionnelle qu'on ne peut avoir que dans des endroits comme celui-là. Nos jambes montraient alors de signes de fatigue ; nous avons monté le camp.

Photo : cercle parhélique, Darth Vador

vendredi 16 mai 2014

Humboldt - prenez à droite


Hier nous avons atteint la station météo Humboldt.
Sur la photo, des sastrugies, Humboldt, et note campement. Une fois de plus le vent pointe vers le sud ; cette fois c'est moins problématique, car nous allons maintenant partir vers le nord est.

Nous avons campé ici, ce qui n'est certainement pas très recommandé. Mais durant nos 148km du jour nous avons eu des moments très lents, et environ 100km de sastrugies ; nous étions fatigués.Nous avons quand même fait attention. La tente est sous le vent, au nord de la station ; nous ne produisons pas d'ombres, ni ne gênons cette station dans son fonctionnement.

Terrae incognitae...

15 Mai, camp 26
Distance du jour : 148 km
Distance totale : 2048 km
Position : N78.528 W56.840
Altitude : 1940 m
Temps de progression : environ 8 heures


Pour nous tout au moins !
En 2008, lors de notre traversée longitudinale Narsaq - Qaanaaq, nous n'avions pas dépassé la latitude de 78° N. Maintenant au delà, nous laissons à notre sud-ouest le village de Qaannaaq et son hameau satellite Siorapaluk (68 habitants, latitude 77.8), le plus au nord du Groenland (et de l'Arctique nord-américain ?)

Notre arrivée en Terre de Knud Rasmussen (du nom du célèbre explorateur dano-groenlandais), à l'extrémité nord-ouest de l'inlandsis, marque la fin de la première partie de notre voyage (partie qui fut, à quelques nuances près, la répétition de ce qui a déjà été réalisé par une dizaine d'expéditions - dont Wings over Greenland 2008) et l'entrée dans ce qui nous est désormais inconnu.
D'autres expéditions à ski ont évidemment déjà parcouru cette partie de la calotte avant nous (entre autre les norvégiens Gjeldnes et Larsen, auteurs de la seule traversée intégrale sud - nord [Cap Farewell / Cap Jesup Moris] du Groenland réalisée à ce jour), mais elles sont peu nombreuses.

Si nous avons jusque là bénéficié d'un état de surface bien meilleur que lors de notre précédent passage (nous avions alors réalisé 800 km, plus d'un tiers du voyage, dans des "champs" de sastrugies), il se pourrait que les choses changent ces jours-ci ; est-ce le fait d'avoir perdu un peu d'altitude (nous évoluons depuis quelques heures sous la barre des 2000 mètres), mais nos meilleurs "ennemis" sont de retour en force sur les 100 derniers kilomètres parcourus ce jour. Le vent forcissant enfin de journée et le risque accru de chute nous ont convaincu de passer de la Speed 19 à la Speed 10. Néanmoins, sur ce terrain cabossé, à près de 30 km/h de vitesse, il nous faut "cranter" (carving) autant que possible, tous les sens aux aguets, pour éviter toute faute de carre qui nous enverrait inéluctablement au tapis...

Après plus de 4 heures de ce régime "pulka-rodeo", c'est avec soulagement que nous distinguons enfin la station météorologique automatique Humboldt, à proximité de laquelle nous installons notre camp.

PS :
- Spéciales dédicaces : Cornelius dédie ces 2000 premiers kilomètres à la petite Aura, qui doit etre en train d'élargir les periples de ses circumnavigations de jour en jour , Mika à sa miss Sylvie !
- Remerciements et salutations très amicales aux donateurs de l'asso que nous n'avions point encore cité en tant que tel : Francis Baret, Matthieu Roquetaniere, Bernard et Jacqueline Charavin.
- Hello et pensées pour tout l'équipage de Vagabond, qui termine son hivernage sur la côte orientale de l'île de Baffin :-)
- et enfin, chaleureux remerciements à vous tous qui nous adressaient vos messages et vos encouragements ; ils réchauffent nos cœurs ! Merci Marie-Claudine & Polo, Aurel, Eliane, Béa, Phil Deluchat, Arno, Thierry "Pif", Gilles Dreyfus, Corrado, Paul Kerrien, Gorges Bagouin, Eric Brossier, Nico Sousbie, Niko&Lucile, Alain, miss Steph Levaillant, Corinne David, Florian Perrin, Pauline & Nolwenn, Pedro & Cécile, Pascal "le Queyrassin", Laurence & Luc, Ludovic LG (on reparlera de kite en Islande si tu veux bien :-) et ceux encore que j'oublierais....



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jeudi 15 mai 2014

Froid et ramollo...


4 mai, camp 25
Distance aujourd'hui : 62 km
Distance totale : 1900 km
Position: 77.387 N 53.606 W, alt 2280m
Temps de progression : 3h30

Nous étions un peu tard aujourd'hui pour une sessoin matinale, Des vents de 10 à 18 km/h ont pu traîner nos voiles Speed 3 19m2 (avec une ligne de 67m) ; à cetains moment il y avait une bonne puissance ; la direction du vent était intéressante d'ailleurs, par rapport à notre direction de progression Nord-ouest ; direction par ailleurs pas vraiment idéale ! Après la pause déjeuner nous avons essayer de continuer à grqpiller quelques kilomètres, mais il fallait se rendre à l'évidence : nous n'irions plus bien loin ! C'est donc après 62 kilomètres bien maigres que nous avons monté le camp afin d'attendre de meilleures conditions, peut-être en soirée. Les kites sont donc restés dehors, nous étions prêts à dégaîner.
Du fait de leur construction et de la longueur de nos lignes, laisser ces voiles dehors n'était pas une opération si facile d'ailleurs : nous avons séparé notre matériel de près de 50 m l'un de l'auter, et planté la tente au milieu.

La soirée n'a rien apporté de bon ; la neige tombait tout droit, verticalement, il n'y avait pas de vent. Quand nous sommes sortis pour ranger le matériel, nous avons essayé de traîner les kites pour les rapprocher du campement, et nous avons compris imédiatement qu'en plus d'être en pleine pétole, la neige n'était pas du tout glissante ; il était presque impossible de traîner les poulkas vers nous. A l'heure du dîner il faisait déjà près de -25°C ; la nuit a été froide. Une fois allongé dans la tente, de petits pétales de glace crystalline tombait sur mon visage, au rythme de mes respirations.
Nous avions eu la même impression déjà avant-hier, une fois passée la latitude de Grise Fjord au sud dEllesmere Island.

Photo : Speed 3, 19m2, longues lignes.

mardi 13 mai 2014

Sur le fil...

A propos des 10, 11 et 12 Mai et des camps 20 à 22...

Si vous lisez ce blog depuis notre départ du fjord Qaleralik, vous l'aurez compris : notre quotidien repose sur des décisions permanentes quant au choix du rythme progression / repos en fonction des prévisions météo reçues et de ce que nous constatons sur la glace, quant au choix des voiles et des longueurs de lignes utilisées, du cap précis ou préférable...

Les choix faits les jours précédents se sont avérés ne pas avoir été les plus pertinents, générant une certaine frustration, comme Cornelius le rappelle encore au début de sa news du jour. En l'espace de 48 heures, nous avons décampé 3 fois. Entre le 1er et le second de ces 3 camps, seulement 300 mètres !!! Entre le second et le troisième, à peine mieux : 5 km.

Dans le premier cas, nous avons tenté de partir par vent très faible, afin de ne pas louper une possibilité de grappiller les kilomètres, aussi peu nombreux fussent-ils. Mais même avec 70 m de lignes sur nos plus grosses "toiles", il n'y a rien eu à faire car il n'y avait pas plus de vent 60 mètres au-dessus du sol...

Dans le second cas, nous avons décampé au plus froid de la "nuit" dans un catabatique forcissant soudainement. Restés en 70 m de ligne sur notre Speed 19, nous avons immédiatement réalisé que le choix n'était plus le bon. Un "dehookage" intempestif, l'obligation de poser les voiles, de plier, de deballer des voiles de surface inférieure dans un vent glacial (- 25° C ?), les pieds qui se refroidissent au fil des minutes. Faut-il insister, faut-il arrêter ? Une petite lumière orange vient de s'allumer quelque part dans nos cerveaux : nous arrêtons, remontons une énième fois le camp dans ce secteur, nous engouffrant sous la tente. Les pieds nous remercient de ce choix, peut-être salvateur...

Lorsque les conditions deviennent vraiment âpres (tempête, froid glacial, ...), la limite est ténue entre l'échec et la réussite. Il ne faut alors pas plus d'un petit grain de sable pour enrayer la machine. Sur le fil. Nous avons cette fois-ci fait un pas de côté et trébuché...
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Nuclaire, mais différement...

13 mai, camp 23
Distance aujourd'hui : 309 km
Totale distance : 1838 km
Position: 77.021 N 51.731 W, alt 2390m
temps de progression : 13h30

Faux départ : il y a 2 jours nous n'avions parcouru que 300m, comme l'a écrit Mika. Mais la journée n'était pour autant pas finie ; le vent s'est levé pendant la nuit, alors nous avons tout rangé en vitesse, aux heures les plus froides, pour prendre le départ. Après seulement 5km, j'ai eu besoin de nettoyer mon masque. Pendant ce temps, la sécurité de ma voile Speed 3 19m2 s'est détachée sans que je comprenne pourquoi ; les fils se sont emmêlés. Le temps de tout démêler, Mika commençait sérieusement à avoir froid aux pieds ; nous avons alors monté le camp une deuxième fois, il fallait se réchauffer. Nous avions parcouru 5km supplémentaire, une misère !

Nous nous sommes du coup levés plutôt tard hier matin, sachant qu'à priori les conditions seraient les meilleures en soirée. Le vent était un peu plus fort que prévu. Après avoir démarré la session avec 10m2 de voilure pour une longueur de ligne de 21m, il nous a fallu, après 40km, allonger 33m. Le vent n'était pas simplement plus fort ; il était aussi dans une direction plus favorable à notre progression que ces derniers jours (est), ce qui nous a fait faire des kilomètres rapidement. Après notre première vraie pause au bout de 140km, nous avions compris que toutes les conditions étaient réunies pour parcourir une bonne distance aujourd'hui. Et nous en avions vraiment besoin : Marc nous a bien fait comprendre qu'il nous fallait absolument attraper les 78°N d'ici à mercredi afin d'éviter une nouvelle pétole !

Les kilomètres défilaient alors à une vitesse presque constante d'environ 30km/h. Au bout de 240km, nous faisions une autre pause pour boire un thé chaud ; nous savions que nous pouvions encore gagner des kilomètres. En début de matinée, les vents tournaient vers le sud. Après une longue distance parcourue grâce à des vents de traîne, nous étions contents de monter le camp et de nous coucher. C’était la journée la plus prolifique du voyage !

Nous avions commencé sur une surface plate avec quelques paquets de neige ici et là. À mesure que nous progressions, le terrain devenait de plus en plus ondulé, comme si nous voyagions sur un océan glacé et sa douce houle. Puis nous avons traversé une grande zone de sastrugas bien formés, bien aiguisés, qui faisaient sauter les pulkas, et nous inquiétait quant au matériel qui brinquebalait à l’intérieur. Ce sont ensuite de grandes ondulations ici et là qui ont fait voler nos pulkas, comme si elles étaient légères comme des plumes.

Nous avons maintenant passé la latitude de la base aérienne Pitufik, d'où les USA assuraient la maintenance de leurs avions équipés de têtes nucléaires pendant la guerre froide, prêts à attaquer. Ce qui devait arriver alors arriva : un des avions a brûlé et s'est écrasé sur le pack près de la base. Les théories du complot vont bon train encore aujourd'hui, et on se demande toujours si l'inventaire de l'armement nucléaire a survécu à l'accident.

Nous ne sommes également qu'à quelques kilomètres de la latitude d'un autre endroit intriguant lié à la guerre froide : Camp Century (77,1833N ; 61,1333W). Un village dans la glace avec tout ce qu'il faut, même une église et une centrale nucléaire. Vraiment. L'histoire de ce camp vaut le coup de faire une recherche internet. Vous pourriez y trouver une vidéo de propagande sur le réacteur. Très étrange, mais aussi assez intéressant. Le village a été abandonné il y a longtemps maintenant et, quand une visite lui a été rendu quelques années plus tard, la glace avait déjà détruit certaines de ses galeries.

Déjà quand j'étais à l'école primaire le nucléaire voyait naître ses premiers réfractaires. Mais à l'époque de la génération précédente, même les livres d'enfants voyaient dans le nucléaire la solution pour l'avenir, pour les bateaux, les voyages dans l'espace, les voitures...

Quand nous avons monté le camp, la source de puissance nucléaire au centre de notre système solaire illuminait la neige, poussée par une force invisible au dessus du désert de glace, dans les lumières du nouveau matin. Ces rayons très visibles sont en quelque sorte à l'origine de la force qui pousse nos kites. Ces rayons illuminent nos panneaux solaires, ce qui nous permet de rester au contact et de communiquer régulièrement. Nucléaire donc, mais différemment.

PS : les 2 premières bourdes dans les tentes sont pour moi (Cornélius) :
1) Le dentifrice contient de l'eau et gèle. Je l'ai probablement réchauffé de manière non homogène, avant utilisation. La décompression l'a fait exploser du mauvais côté, tout sur moi, rien sur la brosse à dent. Salutations à Philippe Battu qui vient probablement juste de rentrer de son expédition dans le Liverpool Land.
2) Lorsque je me suis étendu en arrière pour me reposer avant de tout ranger et de partir, j'ai renversé la tasse de café qui était sensée rendre ce moment de détente très agréable. Salutations à Thierry !





lundi 12 mai 2014

Rythmes et prises de décisions...

11Mai, camp 22
Distance du jour : 0
Distance totale : 1525 km
Même position que la veille. Pas de progression pour raison de pétole absolue

Notre rythme de progression et de vie sont tous deux clairement lié aux conditions météo. Il n'ont donc rien de définis, de déterminé par avance. Et c'est là une difficulté : à nous de nous adapter, d'être malléables. Une journée pourra s'étirer sur 30 heures si le vent autorise une bonne progression. Mais une période de repos entre deux étapes pourra aussi être très courte si les conditions ne sont pas propices et qu'il faut essayer de tirer profit des créneaux les moins mauvais...

Mais les rythmes diffèrent aussi entre nous. Un pourra avoir besoin de plus de sommeil, un sera "plus du matin", l'autre du soir ; l'un aura envie de s'arrêter, l'autre de poursuivre...
Sous voiles également, les rythmes sont rarement tout à fait identiques. Nos poids diffèrent suffisamment pour que l'on n'ait jamais tout a fait le même ressenti sous une même aile : lorsque l'un est bien toilé, l'autre se sent souvent surtoilé. Et lorsque l'autre est bien toilé, le premier se sent souvent sous-toilé... Or, ces petites différences ont une incidence sur le choix de l'allure et du cap suivi, sur la vitesse de progression. Et des vitesses de progression même légèrement différentes ne sont pas toujours simples à gérer, surtout pour celui qui se trouve derrière (qu'il aille d'ailleurs plus vite ou plus lentement que le premier)... Tout est donc question d'ajustement permanent en matière de rythme...

De la situation météo observée ou annoncée (Marc, notre routeur, nous adresse quotidiennement un bulletin détaillé), des analyses que chacun se fait des situations découlent des souhaits, des choix et des prises de décisions. Pas toujous évident d'être au diapason ! Pas facile non plus de faire les bons diagnostics et donc les bons choix. Nous tentons en permanence de décrypter le fonctionnement aerologique de la calotte, mêlant nos observations, nos connaissances, les prévisions annoncées. Mais force est de constater que le système est complexe. Et il nous arrive fréquemment de nous fourvoyer totallement dans nos décisions.

Il y a deux jour, nous sommes restés sous la tente alors que nous aurions peut-être pu exploiter un vent faible et grappiller les kilomètres. Ce matin, après avoir peu dormi, nous avons décampé, pour constater que les 10-12 km/h de vent mesuré au sol n'était pas plus élevé 50 mètres plus haut, et que par conséquent, nos voiles ne tractaient pas. Nous avons replanté le camp 300 mètres plus loin que la veille...

Il n'y a quasiment pas d'air aujourd'hui à notre position. C'est suffisamment rare pour nous l'evoquions. Les previs pour les jours à venir ne sont pas les plus rassurantes. Le maelström est davantage dans nos pensées que sur la glace...

PS :
Nous tenions à saluer très amicalement et à remercier grandement :
- Damien Fourcy, qui nous a donné accès à divers outils permettant l'analyse de l'état de surface de l'inlandsis et des glaciers afférants via l'interprétation de photos satellitaires. Damien, sincèrement merci pour ton implication et le boulot effectué :-)
- La sympathique équipe des Flying Frogs (traversée Narsaq - Kangerlussuaq en kite en 2006), en particulier Bernard Schmidt (notamment pour la transmission d'informations relatives aux différents itinéraires de sorties de la calotte sur sa façade ouest) et Frédéric Donze.
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dimanche 11 mai 2014

Quand le Sport rencontre la Science...


10 mai, camp 21
Dsitance aujourd'hui : 72 km
Distance totale : 1524 km
Position : 74.246 N 49.829 W, alt 2310 m
Temps de progression : 5h

Nous espérions y arriver avant hier, mais à cause des vents faiblichons nous avons dû nous arrêter 20km trop tôt. Et hier nous n'avons pas bougé, un peu decus. mais nous l'avons passé, cette station météo autonome de la NASA-U.

Certes ce n'est qu'une sorte de poteau de quelques mètres de haut situé au milieu de nulle part, mais nous étions excités comme des enfants dans un magasin de bonbons. Ce truc ressemble à un arbre de noel en aluminium, décoré d'instrument scientifiques et coiffé d'un panneau solaire et d'une antenne.

A priori, on y mesure le vent, la température, l'humidité, le niveau de la neige, et l'albédo (mesure de la réflection de l'énergie solaire).

Nous avons jeté un oeil de près à la girouette Young : elle pointait dans la mème direction que le bras mesurant l'albédo : afin d'éviter de mesurer une zone ombrée, ce bras a de grandes chances d'indiquer vers le sud géographique. Ce qui confirmerait une fois de plus ce dont on parlait hier : nous sommes bien portés par des vents arrière. L'hélice tournait tout tranquillement ; nous l'aurions aimé uin peu plus dynamique cette hélice !

Nous pouvions observer de nombreux câbles allant des instruments sur le poteaux à une boîte appelée "Campbell scientific". Ces câbles ont sûrement dû un jour être bien organisés et enroulés comme il faut ; aujourd'hui ca ressemble plus à l'espèce de "spaghetti" que l'on trouve derrière un PC. C'est un endroit très rude pour une petite station météo.

Si notre expédition n'a rien de scientifque, sa préparation a impliqué moultes recherches et analyses de ces données scientifiques. Et maintenant que nous sommes sur la calotte, nous faisons l'expérience des paramètres locaux et instantannés, dont les moyennes et observations constituent les statistiques et données de base des recherches sur le climat. Elles sont assez nombreuses dispatchées sur la calotte ces stations météo, et nous en avons observé les relevés et statistiques de près lorsque nous nous préparions à cette expédition. Cela explique notre excitation à les rencontrer en vraies, une fois sur le terrain :-)

Nous en profitons pour remercier Koni Steffen et le "National Snow and Ice Data Center" (NSIDC) pour nous donner accès à toutes ces ressources. Cela nous a été très utile en 2008 pour notre première traversée, et cette fois ci encore. Merci Koni également de nous avoir fourni la base de carte "Elkhom Digital Elevation Model" ; c'est selon ce modèle que notre ami Thomas reporte notre progression quotidienne. Merci Thomas!

Bonjour à Marc, notre routeur météo, qui chaque jour se creuse les méninges pour essayer de comprendre ce que les stations météo vont mesurer le lendemain.

Coucou Aurélie qui aurait bien aimé que nous emportions avec nous des flacons "Schott" pour prélever l'air pur de la calotte. Salutations à Francois (toutjours pas de météorites) et Marion (ca ne doit pas être facile de passer les sastrugas en cariole...).

Compte tenu des conditions, donc, nous étions assez satisfaits de nos difficile 72 km avec la Speed 3 19m2, dont nous avions étendu la ligne à 69m.

samedi 10 mai 2014

Jour de relâche




9 mai, camp 20
position inchangée

Nous le savions depuis un moment déjà, que cette acalmie arrivait ce week-end. Mais après 3 jours de bonne progression il était difficile de penser que ca pouvait s'arrêter d'un seul coup. Le pire, c'est qu'il y avait du vent ; on pouvait l'entendre de nos tentes, cela faisait vibrer les cordes de la tente. Nous nous sommes donc réveillés en culpabilisant d'avoir loupé une session de kite.

Après être sortis pour finalement mesurer la force du vent, en fait il s'est avéré que ce vent n'était que de 18km/h max. En fait la vitesse du vent était suffisante, mais sa direction était la pire possible : le vent venait du sud, et nous sommes en route pour le nord.
Si lorsque que nous progressons perpendiculaire au vent nous pouvons largement dépasser sa vitesse, si nous allons dans le même sens que lui, il est en fait très difficile de progresser aussi vite que lui.

Grâce aux récentes bonnes avancées et aux prévisions des prochains jours nous avons décidé de ne pas bouger. De retour dans la tente, à l'abri de tout bruit anthropique, celui nous vent nous faisait douter de notre décision de ne pas bouger.
Une nouvelle mesure nous ramène au même constat : vent trop faible compte tenu de sa direction, et par rapport à notre direction.

De retour une nouvelle fois dans la tente, entendons de nouveau le vent, reprenons sa mesure : 13 km/h. Nous refaisons la même expérience que précédemment ; c'est une histoire sans fin ; nous finissons par accepter notre sort et notre décision.

Le soleil est alors rasant et ses reflet sur notre tente et sur la neige offrent des reflets magnifiques ; c'est un peu comme si le soleil était posé sur le glacier.
Dans cette lumière tombante nous faisons le bilan de cette journée : les expériences des jours passés nous laissaient penser qu'i lne serfvait à rien de se lever trop tôt ; maintenant les températures ont bien chuté ; nous nous disons que peut-être nous avons loupé une opportunité en début de journée.
Avec toutes ces pensées à l'esprit, nous essayons de dormir, après nous être reposés toute la journée :-)

Photo : notre tente "svalbard 5" dans les lumières du soleil de minuit.

vendredi 9 mai 2014

L'arbre qui cache la forêt...

8 Mai, camp 19
Distance du jour : 193 km
Distance totale : 1452 km
Position : N73.621 W49.265
Alt : 2355 m
Temps de progression : 12 H (105 km en Speed 10 et 88 km en Speed 19)

L'arbre, ce sont les 400 km que l'on vient de parcourir en 2 étapes de 12 heures. La forêt, ce sont les 3 jours de "molle" annoncée par Marc, notre cher routeur météo, qui nous prévoit une fin de semaine peu prometteuse en kilomètres. Nous avons eu hier en fin d'étape les signes précurseurs de cet essoufflement d'Eole, nous obligeant même à une "pause Sudoku" de 2 heures. Mais contrairement à nos espoirs et au scénario des nuits précédentes, le fraichissement "nocturne" ne s'est pas accompagné de la mise en place du catabatique.

Alors qu'on remarquait un déplacement rapide de nuages bas, seulement quelques centaines de mètres au dessus de la calotte, la couche d'air située proche du sol était de plus en plus stable, générant même des brouillards ici et là. En toute fin de session, vers minuit, dans cette atmosphère irréelle, nous faisions cap vers un soleil rasant, qui désormais ne se couchera plus (ce qui n'est pas pour nous déplaire :-)

Nous avons désormais dépassé la latitude d'Upernavik sur la côte ouest du Groenland et de Pond Inlet sur la côte nord de l'île de Baffin.

Les prochains jours devraient malheureusement nous voir progresser à des vitesses bien plus faibles que les précédents. Nous allons devoir en prendre notre partie et tenter de "gratter" les kilomètres par ci par là...

PS :
- Salutations amicales à Pascal Giraud le Queyrasin, en espérant que tu "gambades" de nouveau grâce à ta séance de "rééducation" norvégienne, à Matthieu "le voisin", à Thierry "l'addictif" ;-)
- Remerciements à Nono, PalBrudevoll, Alain Rumeau, Jo Blancho, Christine Berton, Quentin Gaudiliaire, Corinne David, Johanna, Hervé "350", le frangin et les parents pour vos messages.
- Hello et merci à Amelie Gendron de Grenoble...

mercredi 7 mai 2014

Entreprise WOG II : les jours chômés seront rattrapés !

Nuit du 6 au 7 Mai, jours 18-19
Distance du jour : 235 km
Distance totale : 1260 km
Position : N71.938 W47.917
Alt 2300 m
Temps de progression : 12 H

Depuis 48 heures, les conditions climatiques (températures inférieures à - 20 °C la "nuit" - ou plutôt ce qu'il reste de la nuit) et aerologiques (les vents catabatiques sont à cette latitude mieux établis) nous ont fait entrer dans le vif du sujet. Dans le "dur" du voyage également. Nous nous sommes décalés pour profiter au mieux des vents "nocturnes" et éviter autant que possible les "molles" de l'après-midi.
Mais la chute très sensibles des températures en fin de journée nous oblige à une vigilance accrue et à des phases de préparation avant chaque session de kite encore plus longues. A la vestes et salopette goretex viennent se surajouter une salopette et une veste en duvet. De grosses sur bottes en néoprène enrobent nos chaussures de ski. 2 cagoules intégrales et superposées prennent place sous le casque. Les grosses moufles sont devenues indispensables...

Les gros guns sont en principe de rigueur en début d'étape. Lorsque nous élançons, le catabatique est lui aussi juste en train de s'éveiller. Nous poussons l'utilisation de la Speed 19 aussi loin que possible car cette aile nous permet en principe de progresser rapidement, voile bien caler dans sa fenêtre de vol. Mais à plus de 30 km/h de vent, nous sommes alors largement surtoilés et la gestion de l'aile au sol lors de la moindre pose devient impossible. Il faut alors échanger la 19 contre la 10. Une phase qui nous occupe bien 45 minutes au total, dans la froidure d'un vent soulevant et chassant la neige. Réfrigérant !
A ce moment là, nous obterions volontiers pour l'usage de nos voiles tempêtes, tellement rapide à installer. Mais malheureusement, la sécheresse de l'air et les basses températures font que la neige a un coefficient de glisse qui tend davantage vers celui du papier de verre. Dans ces conditions et vu le poids des pukas, les voiles tempêtes ne peuvent rien. Il faut davantage toiler !

Cette première grosse journée vient rattraper la journée de pétole de dimanche dernier. Sommes nous maintenant lancés pour de bon ? Les jours qui viennent nous le dirons...

PS :
- Salutations amicales à tous les donateurs de l'asso WOG, merci Cécile et Pedro, merci Corinne pour vos messages d'encouragement :-)
- Spécial clin d'œil à Nolwenn et Pauline : nous avons dépassé cette nuit la Baie d'Uummannaq et laissé le glacier Store bien à notre ouest. Souvenir d'un beau séjour à bord du voilier Gambo...
- Spéciales dédicaces à Johanna, Olivier, Alexis, Coralie, Alexandre de l'équipe de Carnets d'Aventures. En espérant que vos lecteurs se promènent aussi un peu sur notre blog...

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mardi 6 mai 2014

Travailleurs de nuit


5-6 Mai, Jour 17
Distance du jour : 127 km
Distance totale : 1025 km
Position : N69.921, W46.121, alt 2120m
Temps de progression : 7H30

Nous étions prévenus : "le vent que vous trouverez en matinée s'éteindra rapidement", et "vous devriez décaler vos sessions de kite vers le soir et la nuit". Nous avons démarré un peu tard, et même en augmentant la longueur de nos lignes de la Speed 3 19m2 à 42mètres, nous ne pouvions avancer ; pas d'autre choix à ce moment que d'attendre.

Vers 19h30 nous avons repris, le vent s'étant levé, Nous avons alors suivi à la lettre les conseils, et nous sommes lancés dans une session de nuit. Le soir en ce moment, et à cette latitude, nous sommes comme dans un long crépuscule ; le soleil rase l'horizon pendant assez longtemps avant de se coucher. Nous avons pu profiter de ce magnifique spectacle : un très beau coucher de soleil légèrement sur notre gauche, alors que nous progressions tranquillement vers le nord. Puis le soleil est réapparu quelques froides heures plus tard, un peu sur notre droite.

Ce fut une plaisante session de nuit, avec de longues pointes dépassant les 50km/h, et ce malgré la neige un peu molle (ralentissante) et le froid. Nous avons rapidement dépassé la latitude d'Illulisat.

Après le coucher du soleil le vent a augmenté, et nous avons parcouru un terrain de neige plus dense et épaisse. Nous avons sorti nos voiles Speed 4 de 10m2, pour les 50 derniers km avant de monter la tente à la latitude de Quervain Bay et l'île de Disko, alors que la neige offrait un reflet orangé dans les lumières du début de journée.

Avant de quitter la France, j'ai remplacé ma gore-tex, jugeant que mon ancienne avait certainement déjà trop de kilomètres au compteur, et que ca devenait une menace ; je voulais un truc vraiment solide, sans risque de casser une fermeture éclair ou autre chose. Je n'étais pas sûr de mon coup. Cette nouvelle veste avait plein de logos, c'était écrit "pro" ou je ne sais quoi un peu partout [...] Et, sans raison apparente, la languette de la fermeture éclair principale a lâché ! C'est toujours possible de l'utiliser, mais pas sans gants, ce qui n'est pas très pratique. En 2008, Mika a eu pire : Sur sa veste (de marque différente) la fermeture éclair avait complètement lâché.

Photo : Cornelius, en tenue de soirée : pantalon avec rembourage en duvet, doudoune fourrée également de plumes par dessus la gore-tex ; masque couvrant le visage entier, casque, masque de ski, guêtres par dessus les bottes de ski, gants et mitaines. Ce n'est pas simple de s'habiller pour la nuit sur la calotte...

PS : Mika veut dédier ces 1000 premiers kilomètres à son frère Rémi.

dimanche 4 mai 2014

Dans la tente... d'un jour meilleur...

4 Mai, J 16
Distance du jour : 0
Distance totale : 898 km
Position : idem
Temps de progression : 0 H

Kiteurs désœuvrés recherchent désespérément vent...

Marc, notre routeur météo, nous a prévenu ce matin d'une situation météo un peu complexe dans le secteur de la calotte où nous trouvons actuellement. Et en effet, hormis un petit créneau matinal alimenté par un faible vent de SW, mais un peu tôt pour nous qui nous sommes couchés à 3 heures du matin, c'est plutôt le calme plat, caractérisé par des températures en chute (- 30 °C attendus cette nuit) et une fine couche de stratus qui se développe au contact de la calotte.

Dans ces conditions, même les "grands guns" (nos Speed3 de 19 m2, quasi la taille d'un parapente !) restent "au garage". Cet "arrêt au stand" casse la moyenne et contrarie nos pronostics de progression (2 jours d'arrêt sur les 5 derniers écoulés !), mais il n'y y rien d'autres à faire que de prendre ce contre-temps avec philosophie.

Nous nous sommes lancés dans une course contre-la-montre, où les kilomètres sont rarement offerts (il faut aller les chercher, tous les jours, l'un après l'autre, pour en faire des dizaines, que l'on espère empiler suffisamment pour dépasser, en fin de journée, la centaine et ainsi faire un petit bond d'un degré de latitude vers le nord...). C'est certainement assez comparable à une longue course au large, sauf que le navire s'arrête quotidiennement afin que le "ski-pper" reprenne quelques forces...

PS :
- Salutations amicales et sincères remerciements à Pascal Nollet ainsi qu'à Jérôme Thielland, tous deux arpenteurs des terres glacées du Liverpool Land
- Salut à notre pote Jojo Blancho, kiteur de montagne, que nous aurions aimé avoir dans l'équipe.
- Toutes nos amitiés également à Michel Caplain qui, pour la première version de Wings over Greenland (en 2008), accepta gracieusement de mettre à notre disposition ses compétences reconnues en matière de prévision météo. Michel, encore une fois, merci à toi d'avoir accepté cette "mission".

Réparation de pelle, et des loops...


3 mai, jour 15
Distance aujourd'hui : 107 km
Distance totale : 898 km
Position : N68.819, W45.283, alt 2095m
Temps de progression : 7 heures

Nous avons passé une grande partie de la matinée dans la tente, en fait, à réparer la pelle incassable en Lexan de Mika. Nous avons commencer par y faire un trou, pour stopper net la propagation de la fissure, puis avec une sorte d'aiguille chauffée à rouge grace à notre réchaud, nous avons pu y faire d'autres trous, afin d'appliquer des points de sutures à cette pelle. On espère que ca va suffire, pour un bon moment au moins. La dernière fois que nous avons fait ca, c'était en Islande ;cela avait marché, mais depuis je suis passé à une pelle en alu.

Peut-être que vous distinguerez les sutures sur la photo (si la résolution est suffisante). Le petit autocollant juste en dessous la réparation, indique que le "Lexan a été testée contre les chocs, et garantie en cas de casse, elle sera remplacée gratuitement". On n'est pas sûre qu'ils livrent sur la calotte groenlandaise.

Bref, après 2 jours de bonne progression avec nos voiles Beringer nous rêvions un peu que cela continue. Il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre que ce ne serait pas le cas : nous avons démarré la journée avec la Speed 4 de 10m2, mais après 10km très difficile il a fallu se rabattre sur la Speed 2 19m2 ; c'était alors reparti pour les loopings sans fin. Antoine, nous avons pu honorer tes loops dédicaés que tu as gagné à notre grand jeu-concours ! Nous avons "loopé" pendant près de 100km.

Nous avons kité jusquà 1 heure du matinà la frontale. La nuit n'est plus vraiment là, mais nous ne sommes pas encore en plein soleil de minuit. En continuant un peu vers le nord, ca ne va pas tarder !

Nous sommes maintenant à la latitude d'Asasiaat, la 5e plus grande colonie du Groenland.

samedi 3 mai 2014

Une blessée grave !

2 Mai, jour 14
Distance du jour : 132 km
Distance totale : 791 km
Position : N67.862 W45.544
Alt 2080 m
Temps de progression : 7 h 30
Voiles utilisées : Beringer 8 S

Le choix du matos emporté pour cette expé a été le plus souvent discuté et réfléchi. Cependant, il peut arriver que l'on accorde une confiance au delà du raisonnable à certains objets (sorte de talismans de l'expéditeur) que l'on utilise depuis des lustres et que l'on pense par conséquent indestructibles. Ce matin, en tentant de sortir de la neige une des cornières qui fixent la tente au sol, j'ai fendu ma pelle en Lexan (matériau réputé "incassable"). Cette pelle a pourtant "fait" des milliers de kilomètres, au Groenland, en Islande, en Norvège, au Svalbard, dans les Alpes... sans jamais montrer la moindre faiblesse. Et là, pan, pétée ! Quand on connait l'usage de cet outil en expé, il y a de quoi s'émouvoir de l'incident. On va tenter une réparation de fortune. Promis, on vous tient au courant de l'état de la souffrante après passage au bloc opératoire ;-)

Côté progression, il semble que nous soyons plus ou moins sortis d'un premier tronçon d'une centaine de kilomètres de vrais sastrugis, pas très hauts, mais bien tape-cul. S'en est suivi une petite cinquantaine de kil parcouru dans un léger jour blanc, suffisant pour ne plus voir les contrastes au sol. Les informations captées par nos cerveaux pour assurer les appuis nécessaires sur les skis ne passe alors plus par le regard mais par une perception proprioceptive générale. Cependant, de temps à autre, une faute de carre, rattrapée in extremis, nous sort de notre torpeur...

Avons dépassé la latitude de Sisimiut (seconde "ville" du Groenland, avec 5460 habitants ;-)

PS:
- Antoine, pas encore eu l'occasion de te faire ton kilomètre de loops, mais nous n'oublions pas !
- spéciales salutations à Francis "le Grec", que nous espérons en forme !
- un grand coucou et merci à mes amis Suisses Luc et Laurence, on pensera à vous en kitant aujourd'hui...

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vendredi 2 mai 2014

Dye 2 - Camp Raven



1er mai, jour 13
Distance aujourd'hui : 154 km
Distance totale : 659 km
Position : 66.701 N 46.144 W, alt 2070m
Temps de prgression : 9h30

"les préparations matinales nous pris beaucoup trop de temps"
Que cette remarque d'un grand explorateur (Nansen ou Amundsen ?) nous est parut d'actualité ce matin !
Nous nous sommes levés de bon matin, vers 7h20 ; mais le temps de petit-déjeuner, ranger nos affaires désenneiger nos tentes (après la tempête d'hier), préparer nos pulkas [...] il était déjà midi !

Le vent était un peu plus faible que prévu, mais suffisemment fort néanmoins pour tirer nos voiles Beringer Skisails de 8m2. La météo était aussi meilleure qu'annoncée, ce qui nous faisait bien plaisir.
Nous avons réussi à parcourir près de 110km dans des conditions quasi parfaites, avant que le vent ne faiblisse, et qu'il nous faille utiliser les kites Speed 4 de 10m2.

DYE 2. Après environ 20 kilomètres supplémentaires, nous avons rejoint la base militaire désaffectée DYE2 ; une impressionnante relique qui nous rappelle la position stratégique du Groenland pendant la guerre froide. Cette base faisait partie d'une ligne de radar à distance (DEW) dont la fonction était de détecter des possibles missiles nucléaires russes suffisement tôt pour y répondre efficacement. La base a été abandonnée par la suite, et laissée telle quelle sur le glacier.

Camp Raven. A quelques centaines de mètres de DYE 2 les américains ont établi des pistes de décollage pour entraîner leurs pilotes pour des missions en Antarctique, qu avaient lieu tous les 2 ans. Ce camp est dirigé par 2 personnes, opérateurs radio Marc et Lou, qui maintiennent les pistes régulièrement, et entretiennent le contact radio avec les pilotes. Pendant notre traversée sud-nord de 2008, nous avions été invités par Marc et Lou, en même temps que 2 autres expéditions qui traversaient la calotte d'est en ouest et qui étaient en même temps à cet endroit !!!!! Nous aurions bien revu ce couple avec grand plaisir, mais leur camp n'était pas encore installé ; ils vont certainement arriver dans les prochains jours, car on pouvait voir déjà des petits drapeaux sur les pistes. Nous saluons donc sincèrement Lou et Marc !

Nous avons donc continué environ 24 km supplémentaires avant de monter le camp. Ca y est nous avons passé la lattitude du point le plus au nord de l'Islande (bye bye Laurent) et avons passé le cercle polaire arctique.

Ce matin nous avons skié sur une surface très plate, presque parfaite, puis ca s'est un peu corsé à mesure que les kilomètres s'enfilaient. Et même si nous avons rencontré très peu de sastrugas, nous pouvons commencer à déplorer les premiers dégâts sur l'équipement : quelques trous dans des sacs par exemple, dus à la friction et aux chocs dans  nos shakers glissants que sont devenus les pulkas.