mardi 20 mai 2014

"L'enfer du Nord" (pavé de sastrugies !)

Nuit du 19 au 20 Mai, camp 30
Distance du jour : 161 km
Distance totale : 2640 km
Position : N79.989 W33.776, Alt 1800 m
Temps de progression : 7 heures

Le Paris-Roubaix du kite-ski...

Nous faisons désormais cap à l'est-sud-est. Les préparatifs du départ au plus froid de la "nuit" reste un moment délicat car même sous la tente, les températures plongent. Nous decampons vers minuit, par grand beau temps et dans un fort vent d'ouest-sud-ouest. Sa force et sa direction sont davantage propice que les jours précédents, aussi nous ne nous faisons pas prier pour utiliser nos "voiles-tempête" Beringer 8, bien plus simple à mettre en œuvre que nos kites. Bien nous en prend car le terrain devient rapidement cassant et là encore, la progression sous Beringer s'avère moins critique que sous kite...

Nous filons bonne allure, dépassant par moment les 30 Km/h, sur une surface de plus en plus cassante. Nous remarquons assez rapidement un fait notable : ici, le vent ne soulève aucune neige au sol. Au point même que cela en est trompeur quant à sa vitesse, que nous minimisons. Mail il souffle pourtant bien à près de 50 km/h par moment...
Cette absence de chasse-neige résulte très certainement d'un déficit en précipitations sur ce secteur particulièrement aride de la calotte. Peu de dépôt de neige dit en revanche force sastrugies. Bétonnés, voire vitrifiés par le vent, ceux-ci sont redoutables et particulièrement "cassants". Nous accumulons les dizaines de kilomètres dans ce champ de bataille, faisant des poses régulières pour nous soulager les jambes, soumises à rude épreuve. Le matériel ne l'est pas moins qui, dans les pulkas (qui font des bonds impressionnants en dépit de leur 150 kg), se voit subir une infinité de chocs répétés...

Cornelius ressent une gêne régulière aux genoux, gêne qui disparait après chaque petite pause. Pour ma part, une douleur apparue il y a une douzaine de jours à une cheville m'inquiète de plus en plus. Elle réapparaît au kilomètre 60,
; au kilomètre 120, elle devient handicapante. Je ski les 40 derniers kilomètres pratiquement sur un pied, allégeant au maximum les appuis sur l'autre. Dés que je skie skis à plat, par manque d'appui, les fautes de carres se multiplient et sont sanctionnées par une vive douleur. Trop sur la carre du pied valide, l'effort devient difficilement soutenable et la solution n'est pas valable à long terme sans risquer de générer à son tour un problème sur la jambe valide...
Kilomètre 160, je sents qu'il n'est pas raisonnable d'aller plus loin, alors que le terrain est plus chaotique que jamais et que le vent forcit de nouveau...

Aux alentours du 80eme kilomètre, peut-être centième, nous avons constaté qu'une des pulkas de Cornelius, alors en seconde position, s'était partiellement ouverte suite à la répétition des chocs dans les sastrugies (ce n'est pas la 1ere fois que nous faisons ce constat là). Un rapide examen semble ne montrer aucune perte de matériel.
A l'issue de l'étape, le constat est autrement plus ennuyeux : nous avons bel et bien perdu le réchaud principal stocké dans une boite anti-chocs ainsi qu'une des deux pharmacies...
Faire demi-tour pour tenter de retrouver ce matériel n'est pas réellement envisageable tant il serait laborieux de remonter à contre-vent ces 60, 80 ou 100 km/h avec peu de chance de retrouver le matériel perdu...

Nous avons un réchaud de rechange. Mais nous n'avons désormais plus de marge de manœuvre concernant cet équipement qui peut facilement être qualifié de "survie" dans l'environnement et la situation d'isolement dans dans lesquels nous évoluons... Quant à la pharmacie, nous venons de perdre la moitié de nos traitements (à peu près équitablement repartis entre nous au départ pour minimiser autant que possible ce genre de problème) à un moment où ils pourraient bien devenir utiles voire nécessaires...

Rien n'est joué, ni dans un sens ni dans un autre, mais nous allons devoir redoubler d'attention et croiser les doigts pour que les problèmes survenus aujourd'hui n'aient pas de conséquences importantes sur la suite de notre progression...

PS : Nous en profitons pour saluer amicalement et remercier les deux médecins qui nous ont aidé à préparer nos trousses de pharmacie, Dr Marie-Anne Magnan (Ifremmont) et mon amie Sophie Castets.
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Envoyé de mon téléphone Android avec K-9 Mail. Excusez la brièveté.

3 commentaires:

  1. Aïe, aïe, aïe, jusqu'ici tout allait plutôt bien, et les ennuis commencent... Il m'est déjà arrivé de "perdre" du matos en montagne et la plupart du temps devoir rallonger la course pour le récupérer, mais dans votre cas c'est autrement plus inconfortable... Et par dessus tout les kilomètres et la durée de votre périple commencent a se faire sentir, ce qui traduit bien que ce n'est ni du loisir ni une promenade de santé comme on serait parfois tentés de le croire, ici à vous lire, bien installés dans notre confort quotidien.
    Prenez soin de vous et ménagez-vous suffisamment pour éviter de rentrer dans la zone rouge, en espérant que vous finissiez par laisser ces sastrugies en "béton" derrière vous...
    Il semble que les conditions aérologiques soient meilleures dans ce secteur, je vous souhaite que ça dure le plus longtemps possible...
    Florian.

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  2. Allez courage les gars !!! On pense à vous !

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  3. Forza les gars !! Vous êtes des mutants, ça va le faire !! :-)

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